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Le dimanche 7 Novembre 2021 ; le monde a rendu hommage à l’écrivain Africain.
Célébrée depuis 1992 à l’initiative de l’Association panafricaine des écrivains , la journée mondiale de l’écrivain Africain contribue non seulement à rendre hommage à tous les illustres hommes et femmes de lettres du continent, mais aussi à mettre en lumière toutes les difficultés auxquelles se butent les écrivains du continent noir.
Des difficultés d’accès aux maisons d’éditions à celles liées à la vente du produit de leur production intellectuelle, la journée évoque aussi la difficulté de se frayer une place au soleil dans le concert de la littérature africaine moderne.
A cette occasion la rédaction d’apalis Info.net braque ses projecteurs sur l’écrivain congolais du théâtre Gervais Kabemba.
Enseignant à la faculté des lettres à l’Institut Supérieur Pédagogique de Lubumbashi, il revient sur le bienfondé de la journée : « Les journées comme celles-ci sont des journées instituées pour attirer l’attention de l’écrivain, de la société dans laquelle il vit. Pour moi, c’est le moment de faire le point sur les années antérieures pour savoir si l’on évolue ou l’on stagne«
Gervais Kabemba se dit fier de l’écrivain du continent au regard de ses prouesses littéraires. Il ne peut passer sans penser aux écrivains tels que Birago Diop, Jacques Rabemananjara, Léopold Cedar Senghor envers qu’il a de l’estime, même s’il pense que l’histoire de la littérature africaine est jalonnée des hauts et des bas: « je ne peux qu’être fier quand bien même tout n’est pas rose. C’est une vocation, quand la littérature est perçue comme la seule manière de faire bouger les lignes dans la société on ne peut qu’en être fier, car il faut écrire pour dénoncer ce qui ne va pas. Cependant il y a des progrès à faire » pense-t-il.
L’écrivain africain et la crise sanitaire du COVID-19
Cet acteur de la littérature congolaise estime que la pandémie de coronavirus n’a épargné aucun secteur de la vie sociale. C’est le cas de son secteur de cœur ; les lettres.
« L’écrivain a ressenti cette crise. L’écrivain congolais a été frappé par cette crise qui a créé une récession dans tous les domaines. La littérature a besoin du public pour se produire mais les activités littéraires, culturelles ont été touchées. »
Quel regard sur le théâtre africain?
Gervais Kabemba évolue dans le domaine du théâtre. Passionné des belles lettres, il a un aperçu général du théâtre africain passant par celui de la République Démocratique du Congo. De l’art des années 1970 à celui de nos jours, il scrute les temps forts du genre littéraire qu’il affectionne le plus.
« Le théâtre africain a nettement évolué. La naissance du théâtre africain est à localiser au Sénégal au collège William ponty .C’est ici que des élèves de ce collège ont appris à rédiger et à se produire sur scène«
Sa mémoire n’est pas si courte pour ne pas se rappeler des grands du théâtre congolais. Gervais Kabemba a de l’admiration envers ses compatriotes qui ont laissé des traces : En RDC Mongita Likeke est le pionnier du théâtre avec sa pièce sur Stanley ; « Mbulamatari« . Avec cette germination au cours des années 70, le théâtre a décollé dans tous les foyers culturels. Il s’inspirait de la tragédie classique.«
Il renseigne qu’« en Afrique au tournant des années 1970, le théâtre a introduit le flash-back. C’est par exemple la célèbre pièce Procès à Makala de l’écrivain Mikanza Mobyem ; un des dramaturges congolais« .
Par ailleurs il soutient que comparé aux anciennes colonies françaises, la RDC est en retard: » Nous sommes en retard par rapport au théâtre brazzavillois, ivoirien.Dans notre théâtre nous utilisons un langage classique. Cependant Sony Labou Tamsi a fait la tropicalisation du français. Il a adapté son langage aux langues connues de la population africaine.«
Pour Gervais Kabemba ; les hommes du théâtre de la République Démocratique du Congo ne contribuent pas à l’éveil de la conscience du peuple « Tant sur la maitrise de la technique, de l’espace et du temps. Notre théâtre est rattaché à l’amour, à la femme ; des thématiques pauvres alors que nous connaissons la guerre. Le théâtre doit mobiliser les foules pour changer la politique, il doit mobiliser pour changer les choses« parle-t-il d’un ton inquiet.
Un hommage aux écrivains du théâtre Lushois
Toujours rattaché à sa ville et à l’histoire des grands noms du théâtre Lushois, Gervais Kabemba n’oublie pas ses prédécesseurs. Il rend hommage aux auteurs qui sont partis de Lubumbashi pour rayonner à travers s le monde: » A Lubumbashi nous avons Tandundu Bisikisi avec sa pièce: Quand les Afriques s’affrontent primée au niveau international. Une autre compatriote partie de Lubumbashi est Diur Tumb avec sa pièce zaina « .
Il se souvient aussi des pièces comme Poubelle 35 bis de Mukuna tout comme Sango sonza avec son œuvre La dérive ou la chute des quatre points cardinaux.
Quid des œuvres de Gervais Kabemba ?
Doté d’une verve oratoire remarquable, Gervais Kabemba est un auteur attaché à son pays ; la RDC. Ainsi son parlé clair et soutenu se traduit dans ses œuvres. Il se définit comme un fruit du théâtre traditionnel : »Je suis venu en écriture par le théâtre traditionnel. J’ai commencé le théâtre en langues locales. Ma technique est celle du théâtre local. «
Mais l’homme qu’il est, est façonné par l’art Africain: « Le théâtre africain a révolutionné ma manière de faire. J’apporte un plus par rapport à ce qui se fait« .
Ses œuvres sont la résonance de son patriotisme accentué .Pour tous les passionnés du Congo, l’auteur a écrit des pièces qui saisissent l’esprit : J’ai écrit Argos ou le prix Nobel du silence : m’inspirant du mythe d’Oreste pour dénoncer le silence coupable du peuple lorsqu’il voit assassiné son leader.
Dans cette œuvre ; l’écrivain immortalise l’une des heures sombres qu’a connue la RDC à l’assassinat de son troisième président ; Laurent Désiré Kabila. Il est étonné par l’inaction du congolais qui voit son leader tué et s’y accommoder ; oubliant facilement : »Quand j’ai vu mourir Laurent Désiré Kabila et quand nous nous sommes vite formalisés sans demander des comptes, sans exiger même la vérité ; j’ai compris que le congolais n’était pas encore mature. On lui doit le Prix Nobel du silence.«
Dans une autre pièce ; La Thébaïde ou Le refus de la fin, Gervais Kabemba dénonce le non-respect des engagements pris par rapport au respect de mandat constitutionnel reconnu à un dirigeant.
Et pour que l’écrivain s’épanouisse, il appelle les autorités à soutenir la culture en définissant une politique nationale claire: » je dirais que l’écrivain congolais est peut-être le plus malheureux de tous. Beaucoup de mécènes soutiennent la musique mais personne n’est là pour la littérature. Nous pensons encore que la culture c’est la musique. Les écrivains sont des laissés pour compte » constate-t-il
Il estime que l’écrivain congolais devrait avoir des maisons d’éditions qui lui permettent de produire ses œuvres « Nous avons des difficultés d’édition. Dans ce cas faudra-t-il s’éditer en ligne ou frapper chez Le Harmattan pour être lu en France ?Il faut parler aux politiques, aux mécènes. Nous ne pouvons pas nous comparer aux écrivains des colonies françaises. Pas de concours littéraire, pas de salon littéraire. Le pouvoir a démissionné« .
Dérangé par ce délaissement total de l’écrivain, Gervais Kabemba conclue que les médias ont versés dans les travers que tout le monde. Il s’inquiète du sort de l’homme des lettres qui a été mis dans un black-out total.
Mandela LONGA