C’est le sujet à controverse de ces derniers jours. L’approbation du président Félix Tshisekedi cité par des sources onusiennes ; de faire intervenir les troupes ougandaises dans la traque des rebelles ADF ; fait un effet de bombe.
De manière officielle, l’armée ougandaise (Uganda people’s Force of Defense, UPFD ) a annoncé le déploiement de 1700 hommes sur le territoire congolais dans la mutualisation des forces avec les forces armées de la République Démocratique du Congo sur la traque des rebelles ADF.
En RDC, l’opinion est partagée entre espoir et crainte d’une « occupation« .
Pour éclairer l’opinion nationale ; Frédéric Amani ; enseignant en relations internationales à l’école supérieure de la gouvernance économique et politique de Lubumbashi.
Pour lui, cette question est pertinente et complexe à la fois. « Pertinente par ce qu’il faut éclairer l’opinion quant à ce, complexe aussi par ce que nous sommes en face d’un domaine aussi complexe de la vie de l’État, qui est la Souveraineté de la RDC.«
Alors qu’il reconnait le droit au gouvernement congolais d’associer une autre armée en vue de neutraliser des rebelles dont le mode opératoire n’est pas loin du terrorisme ; il exprime aussi une certaine crainte. » C’est une décision à la fois bonne et dangereuse. Elle est bonne dans la mesure où l’État veut matérialiser l’une de ses missions régaliennes, celle de sécuriser le territoire et son peuple mais elle est dangereuse par rapport au passé défectueux entre ces deux pays(Uganda et RDC) au cours de ces trois dernières décennies où l’Ouganda a toujours été accusé, d’après beaucoup de rapports(ONU, ONGs…) comme l’un des pays soutenant et servant de base arrière des rebelles qui déstabilisent la partie Est de la République Démocratique du Congo« .
Aussi pense-t-il que tout devra se juger par les résultats sur le terrain « Cependant, pour bon nombre de spécialistes dont moi-même aussi, la crainte de cette autorisation se situe au niveau de l’efficacité de l’opération afin d’aboutir à des résultats escomptés tributaires de la paix et sécurité dans cette partie du pays, longtemps meurtrie et parfois ignorée, sous un œil complice de la communauté internationale« .
Frédéric Amani jette la balle dans le camp des autorités congolaises qui devraient à son avis témoigner d’un peu de volonté politique pour imposer la paix et la sécurité dans la partie orientale du pays « si la volonté politique y était, une des stratégies pour contribuer au renforcement de l’autorité de l’État était de baliser les conditions d’une sécurité et paix durable; afin de promouvoir la prospérité, le bien-être du peuple mais également le vivre ensemble, en tant que Nation« .
L’opinion congolaise est partagée sur ce que certains pensent comme un échec de l’état de siège décrété dans les provinces du Nord-Kivu et celle de l’Ituri jusqu’à ne pas comprendre comment la 11e armée la plus puissante d’Afrique(FARDC) voudrait avoir un coup de pouce de la 14e des 35 armées d’Afrique selon le dernier classement de Global Fire Power 2021 ?
Frédéric Amani voit des motivations économiques derrière la demande de l’Ouganda à traquer les ADF sur le territoire congolais. C’est ici que se situe la crainte de notre spécialiste qui ne serait pas étonné de voir l’histoire de la guerre de Kisangani se répéter : »au-delà de l’aspect sécuritaire il y a aussi les enjeux économico-financiers qui seraient derrière la motivation d’intervention de l’armée Ougandaise et cela risque même d’influencer ou motiver son voisin Rwandais à pénétrer en RDC sans beaucoup de gymnastique à cause de la porosité des frontières de la RDC. Et là, le pays risque de revivre les souvenirs malheureux de la guerre de 6 jours entre deux armées étrangères se battant sur le territoire congolais à Kisangani. »
Il invite les autorités congolaises à bien analyser la question au travers de ses institutions (Présidence, parlement, Gouvernement,…) en maîtrisant tous les contours derrière les motivations ougandaises afin de ne pas subir les conséquences d’une bonne intention.
Pour terminer, Frédéric Amani soutient qu’en Géopolitique, « un État qui proclame son indépendance doit être en mesure aussi de contrôler et maitriser son environnement interne et externe« .
L’armée Ougandaise étant déjà sur le terrain, il ne reste qu’à la juger sur les résultats ; et à long termes ; voir s’elle ne sera pas tenter de demeurer sur le territoire de la République Démocratique du Congo, motivée par ses envies gloutonnes d’extraire les minerais de l’Est qui sont à la base de la plus alarmante et la plus oubliée de toutes les boucheries humaines de l’histoire contemporaine.
Mandela LONGA