Les étudiants inscrits en BAC3 de la faculté d’architecture de l’université de Lubumbashi ont organisé lundi 30 mai 2022 une exposition d’œuvres d’art à la maison Safina.
L’activité a réunis trente-trois étudiants, quelques encadreurs et des curateurs invités.
L’exposition intervient à la clôture du cours d’histoire de l’art. Ils ont exposé des œuvres d’art collectionnées d’artistes locaux, nationaux et internationaux autour des thèmes variés. Le concept curatorial général de cette exposition est sorti du colloque sur la violence organisé récemment à l’université de Lubumbashi. Étant présente dans chacun des étudiants, la violence leur a permis de raconter leur histoire.
Ce concept est centré sur les violences faites en l’espace physique, le racisme, le tribalisme, les violences faites aux femmes et aux enfants et l’environnement (douleur : corps, peuple, terre.)
Patrick Mudekereza; directeur du centre artistique Waza et enseignant à la faculté d’architecture de l’université de Lubumbashi encadre ces étudiants depuis deux ans.
L’exercice a eu pour objectif de voir comment l’histoire de l’art comme science s’est construite avec les différents courants et savoir comment les nouvelles pratiques arrivent à être intégrées dans la discipline.
En BAC3 ces étudiants ont appris comment les expositions font de l’art.
A ce sujet Patrick Mudekereza précise : «Apprendre l’histoire de l’art c’est apprendre aux étudiants à regarder autour d’eux. Le grand défis du cours était de faire le lien entre les œuvres d’art et le contexte social, économique, historique, politique dans lequel ces œuvres émergent…»
Des étudiants qui surprennent
Du haut de sa longue expérience d’opérateur culturel et de son goût artistique raffiné, Patrick Mudekereza se dit «agréablement surpris.» Il est surpris par les idées, les envies; cette capacité qu’ont les étudiants à choisir leurs artistes, leurs œuvres et les thématiques.
Ils ont développé leur côté collégial pour ressortir à travers leur regard; l’esthétique, l’espace, la discursion. Ils ont réfléchi de manière à faire le lien entre la société, les différentes œuvres, la thématique et l’œuvre d’art.
Pour toutes les qualités démontrées lors de l’exposition; Patrick Mudekereza se montre modeste en considérant désormais ces étudiants comme ses collègues.
Indignation citoyenne et sensibilité artistique
Ces jeunes étudiants ont puisé dans le présent et le passé de leurs milieux de vie respectifs. C’est le cas du groupe dont le travail s’est basé sur la place des Martyrs de la cité Gécamines de Lubumbashi. Ils se sont indignés du fait que cette place qui devait commémorer le massacre des ouvriers pendant la deuxième guerre mondiale a été spoliée.
Patrick Mudekereza explique que ces étudiants ont choisi de s’exprimer comme des citoyens du pays mécontents du changement de fonction de cet endroit chargé de mémoire :«En tant que architectes ils se sont dit quelle est la nature d’autorisations de construire, quelle est la législation en terme d’urbanisation de la ville qui fait e sorte que nos lieux de mémoire ne sont pas respectés.»
Il ajoute que cette représentation de la place des martyrs est une indignation citoyenne qui se transforme en sensibilité artistique : « On se rappelle des ouvriers qui sont morts là-bas, de l’artiste qui a exposé là où sont morts les ouvriers. Et la réponse de l’État au lieu de construire un monument, choisit simplement de banaliser l’espace en en faisant un lieu d’habitation ordinaire» renchérit-il.
Ces étudiants d’architecture pensent que leur activité vient rappeler la communauté et l’état à prendre chacun sa responsabilité d’autant plus que la mémoire collective est en voie de disparition. Même si la cité Gécamines n’est plus ce qu’elle a été, l’exposition rappelle l’événement qui s’est déroulé à cet endroit comme un fait marquant du monde.
De ce fait Patrick Mudekereza martèle que la meilleure façon de soutenir ces genres d’actions serait; si on n’est plus en mesure de commémorer les martyrs de 1944 sur cette place, de recréer une autre place où l’on peut penser à eux; à ceux qui sont morts pour que le travail industriel soit récompensé à sa juste valeur.
Ces étudiants ont associé cet évènement du passé à l’actualité. Ils pensent que jusqu’aujourd’hui, des ouvriers dont les conditions de travail ne sont pas correctes réclament le changement et certains sont tués. Lubumbashi étant une cité industrielle, la commémoration de la bravoure des ouvriers qui réclament une rémunération décente de leur travail est de grande importance.
Des jeunes à Promouvoir
Les quelques observateurs comme des journalistes de l’art invités à l’exposition ont été marqué par la maturité, le goût, la passion et le contenu artistique présenté au public.
Patrick Mudekereza affirme qu’ils sont inspirés par le contexte congolais qui, de son point de vue est «très riche » au niveau artistique. Il pense qu’un environnement où il y a beaucoup de problèmes est paradoxalement prolifique à la création.
En revanche il soutient que la RD Congo peut considérer qu’il y a des solutions techniques et politiques qui consistent notamment à rassembler les imaginaires.
Mandela LONGA