Dans une interview accordée à Jeune Afrique le week-end dernier, le président Rwandais Paul Kagame a exprimé l’intention de son gouvernement d’intervenir en RDC au cas où le gouvernement congolais continuait à vouloir régler seul la question des rebelles Rwandais FDLR que Kigali établi sur le territoire congolais.
Coutumier des questions internationales ; Frédéric Amani , chercheur associé en relations internationales à l’Université de Lubumbashi approché par APALISINFO.NET pense que le président Rwandais Paul Kagame a raté sa sortie médiatique pour plusieurs raisons.
Selon lui, la déclaration du tirant de Kigali ressort de « l’intimidation et/ou pression, une déception et/ou désillusion, et enfin une violation flagrante de textes et principes de base de la Communauté internationale. »
Une méthode Rwandaise pour continuer l’occupation
Dans cette première manche de sa réflexion, Fréderic Amani y voit l’intimidation ou la pression du président Kagame qui veut « que la RDC obtempère à ses illusions (l’occupation illégale du territoire congolais, le pillage de ressources de la RDC, la Balkanisation), malheureusement il (Paul Kagame) le fait par la terreur et la violation des droits humains, ces vielles méthodes décriées dans les temps anciens » pense-t-il.
Dans sa seconde manche, il trouve que la Rwanda est déçu et désillusionné par le cours des choses car selon cet expert, la RDC était devenue une vache à lait pour le Rwanda et ses quelques partenaires pour assouvir leurs appétits gloutons dans l’exploitation illicite de nombreuses ressources stratégiques du pays, alors que le pays de mille collines ne se préparait pas à ce scénario de volte-face par la rupture des relations diplomatiques avec la RDC et surtout la suspension de contrats commerciaux et d’exploitation de certains minerais et la raffinerie de l’Or :«Ce revirement dans les relations à travers les contrats commerciaux entre les anciens alliés; la RDC et le Rwanda est en train d’asphyxier l’économie rwandaise d’un côté mais aussi compromettre les relations de coopération avec certains de ses partenaires, de l’autre. Qui sait que dans les prochains jours et mois nous risquons d’assister à de revers dans les relations du Rwanda avec d’autres pays ou compagnies. wait and see, dit-on» décortique cet enseignant
Quant aux propos du président Kagame qui veut que la RDC ne gère pas les FDLR seule faute de quoi ils les pourchasseront jusqu’au Congo, Fréderic Amani rappelle qu’ils sont contraires à la charte des Nations-Unies, invitant les Etats à régler leurs différends par la voie diplomatique mais surtout à promouvoir les relations amicales afin de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales, à la déclaration universelle des droits de l’homme, à l’Acte constitutif de l’UA, interdisant l’ingérence des Etats dans les affaires intérieures des autres pays, mais aussi avec le Principe de l’intangibilité des frontières héritées de la décolonisation.
Il estime que l’homme de Kigali :« met la Communauté internationale face à ses responsabilités, pourquoi ? par ce qu’il vous souviendra, que lors du génocide Rwandais en 1994, sur demande de la Communauté internationale, un couloir humanitaire fut ouvert entre la RDC et le Rwanda pour accueillir dans l’Est de la RDC, les réfugiés Rwandais, pour la plupart des extrémistes hutus. Malheureusement jusqu’à ce jour, plus de deux décennies maintenant la RDC paye le lourd tribut de son hospitalité » répond -t-il revenant sur ce passé historique.
Cependant dans sa longue série des questions et réponses à lui-même ; il pense que le Rwanda s’inscrit dans une posture de chantage et de dissuasion.
Par ailleurs, il voit le Rwanda dans sa logique de guerre par procuration, comme c’était le cas à l’époque de la bipolarité (guerre froide).
La RDC doit rester sur ces gardes
S’inspirant de la géopolitique et de la géostratégie, Frédéric Amani invite la République Démocratique du Congo à la prudence :« les propos du Président Paul Kagame, sont à prendre au sérieux comme une alerte et il faudrait que la RDC se prépare sur tous les plans pour éviter la surprise. Bien, le Rwanda sous Kagame, il faut le préciser, tient mordicus sur la question des FDLR, puis que cela est un paravent pour entrer sur le sol Congolais, nous savons tous que les velléités rwandaises voire ougandaises ont plusieurs enjeux, dont notamment les enjeux économiques et fonciers. »
Et pour résoudre ce conflit, l’un des plus meurtriers d’après seconde guerre mondiale, il propose à la RDC d’organiser un dialogue franc et sincère avec la Communauté internationale et les organisations sous régionales (CEEAC, EAC et SADC) d’un côté et entre la RDC et le Rwanda et d’autres Etats voisins de la RDC de l’autre.
Secundo il est à l’en croire plus qu’urgent pour la RDC de redevenir un Etat capacitaire « ceci implique plusieurs éléments dont la réorganisation interne et externe »
Et enfin, il estime qu’il va de l’intérêt de la RDC de bien redéfinir, sa politique de défense et sécurité :« signalons que ceci aussi implique plusieurs autres éléments, en l’occurrence la reforme dans le secteur de la sécurité, l’équipement et l’encadrement de forces armées de la RDC ». C’est à ces conditions qu’il estime que le Congo sera maître de son destin sécuritaire « Le contraire de ça fera que la RDC soit un acteur subissant les relations internationales au lieu d’être un acteur agissant des relations internationales. Cette logique lui permettra d’anticiper les évènements et de savoir contrôler son environnement (interne et externe) afin de bien se projeter » conclut notre expert.
Mandela LONGA